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LES FÉES DANS L’ÉPOPÉE CAROLINGIENNE

arthuriens ; cependant la figure esquissée est encore celle de la Morgane d’Avalon, plus déesse que la Morgane de la cour d’Arthur. Elle aime Rainoart ou Ogier, comme Calypso aime Ulysse ; c’est une païenne dénuée de scrupules, mais elle demeure en son île irréelle aux magnificences de rêve ; de jeunes et blanches fées vêtues de robes éclatantes la servent docilement, et composent les chœurs mélodieux de ses fêtes.

Du moment que la geste carolingienne adopte cette capricieuse Morgane, elle lui prodigue les attributs féeriques. On la rencontre, comme les Hâthors d’Égypte, au chevet des accouchées, au berceau des héros. À la longue, rien de monotone comme ces visites de fées aux nouveau-nés.

Morgane est une trop grande princesse de féerie pour sortir seule ; elle amène toujours d’étincelantes amies, de merveilleuses suivantes, et le paganisme de son caractère disparaît sous le christianisme de son langage et de ses exhortations.

Pendant le sommeil de la mère, elle vient douer Maillefer, fils de Rainoart, et elle le recommande au Créateur. Il n’est pas rare que les fées paraissent baptisées et remplissent d’édifiantes missions. Au berceau de Garin de Monglane, Morgane, encore accompagnée d’Ida et de Gloriande, cite l’Évangile et débite un fort édifiant petit sermon sur la pauvreté. La scène se passe dans une chaumière où Flore, la pauvre mère de Garin, méconnue et calomniée, gît loin de sa cour, assez misérablement.

Ogier est un favori des fées. Morgue ou Morgane, accompagnée de ses sœurs, se trouve près de lui dès sa naissance. Elles sont au nombre de six ou de sept. La mère, ici, trépasse, mais les fées veillent