Le moine. — Assez mal payés. Le roi votre fils n’en a guère de soin.
Charles. — Il est vrai qu’on oublie bientôt les gens qui se sont dépouillés et dégradés.
Le moine. — Ne comptiez-vous pas là-dessus quand vous avez quitté vos couronnes ?
Charles. — Je voyais bien que cela devait être ainsi.
Le moine. — Si vous avez compté là-dessus, pourquoi vous étonnez-vous de le voir arriver ? Tenez-vous-en à votre premier projet : renoncez à tout ; oubliez tout, ne désirez plus rien ; reposez-vous et laissez reposer les autres.
Charles. — Mais je vois que mon fils, après la bataille de Saint-Quentin, n’a pas su profiter de la victoire ; il devrait être déjà à Paris. Le comte d’Egmont lui a gagné une autre bataille à Gravelines ; et il laisse tout perdre. Voilà Calais repris par le duc de Guise sur les Anglais ; voilà ce même duc qui a pris Thionville pour couvrir Metz. Mon fils gouverne mal ; il ne suit aucun de mes conseils ; il ne me paye point ma pension ; il méprise ma conduite et les plus fidèles serviteurs dont je me suis servi. Tout cela me chagrine et m’inquiète.
Le moine. — Quoi ! n’étiez-vous venu chercher le repos dans cette retraite qu’à condition que le roi votre fils ferait des conquêtes, croirait tous vos conseils, et achèverait d’exécuter tous vos projets ?
Charles. — Non ; mais je croyais qu’il ferait mieux.
Le moine. — Puisque vous avez tout quitté pour être en repos, demeurez-y quoi qu’il arrive ; laissez faire le roi votre fils comme il voudra. Ne faites point dépendre votre tranquillité des guerres