Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/449

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n’osiez résister en face ; c’est ce qui vous faisait promettre trop facilement, et éluder ensuite toutes vos paroles par cent défaites captieuses. Ces défaites étaient pourtant grossières et inutiles ; elles ne vous mettaient à couvert qu’à cause que vous aviez l’autorité, et un honnête homme aurait mieux aimé que vous lui eussiez dit nettement : « J’ai eu tort de vous promettre, et je me vois dans l’impuissance d’exécuter ce que je vous ai promis », que d’ajouter au manquement de parole des pantalonnades pour vous jouer des malheureux. C’est peu que d’être brave dans un combat, si on est faible dans une conversation. Beaucoup de princes, capables de mourir avec gloire, se sont déshonorés comme les derniers des hommes par leur mollesse dans les affaires journalières.

Mazarin. — Il est bien aisé de parler ainsi ; mais quand on a tant de gens à contenter, on les amuse comme on peut. On n’a pas assez de grâces pour en donner à tous ; chacun d’eux est bien loin de se faire justice. N’ayant pas autre chose à leur donner, il faut bien au moins leur laisser de vaines espérances.

Richelieu. — Je conviens qu’il faut laisser espérer beaucoup de gens. Ce n’est pas les tromper ; car chacun en son rang peut trouver sa récompense, et s’avancer même en certaines occasions au delà de ce qu’on aurait cru. Pour les espérances disproportionnées et ridicules, s’ils les prennent, tant pis pour eux. Ce n’est pas vous qui les trompez ; ils se trompent eux-mêmes, et ne peuvent s’en prendre qu’à leur propre folie. Mais leur donner dans la chambre des paroles dont vous riez dans le cabinet, c’est ce qui est indigne d’un honnête