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Paris, 16 décembre 1915
À Monsieur le Préfet de Police
de la Seine
Monsieur le Préfet,

Au moment où votre police se donne la tâche ardue de briser le système d’espionnage prussien, je crois de mon devoir, bien qu’étranger, de vous signaler une certaine personne aux allures fort louches qui se fait appeler Monsieur Gaston tout court, et cache, sous les apparences d’un bon et brave bourgeois parisien, l’identité fort compromettante du Capitaine Von Solhen, officier attaché au département de renseignement de l’État-Major allemand.

Le porteur de la présente se fera un devoir d’indiquer à votre police le chemin à suivre pour arriver jusqu’au domicile du capitaine…

— Vous avez la preuve, monsieur le capitaine, poursuivit l’homme de police en regardant attentivement Monsieur Gaston, qui était devenu tout pâle et passait maintenait par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, — vous avez la preuve que la connaissance est tôt faite avec nous.

Pendant la lecture de la note dénonciatrice, le second personnage inconnu, ayant avisé la gravure représentant l’entrée triomphale du Kaiser prussien dans la capitale de la France, se leva et s’en approcha.

Il l’examina avec une stupeur amusée et du moment que son compagnon se tut, il fit remarquer à Monsieur Gaston avec un sourire très ironique :

— Vous avez là, monsieur le capitaine, une gravure de haute pensée et de superbe envergure. Voudrez-vous avoir l’obligeance de me donner, un de ces jours, le nom du maître d’un si remarquable tableau ?

Monsieur Gaston demeurait saisi d’hébètement.

L’autre inconnu s’approcha à son tour de la caricature. Mais il ne lui jeta qu’un regard de mépris, et, revenant au capitaine-espion :

— Monsieur, dit-il, vous devinez sans doute ce que nous attendons de vous.

Ces paroles ranimèrent Monsieur Gaston. Il eut un geste de courage et demanda d’une voix calme :

— Je n’en ai aucune idée. Vous m’avez lu une lettre dont je cherche encore à déchiffrer l’incompréhensible teneur.

— Peut-être y parviendrez-vous plus facilement là où nous avons ordre de vous conduire.

— Quoi ! s’écria Monsieur Gaston avec une surprise d’un naturel parfait, vous m’arrêtez ?

— Ce sont nos instructions, capitaine Von Solhen. Veuillez donc ne plus faire le naïf et vous exécuter de bonne grâce.