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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/228

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— Et où est la Préfecture ?

— Le premier cocher de fiacre vous y mènera et ramènera en moins d’une heure.

Puis, comme s’il se fût ravisé :

— Attendez donc ! — …

… Il parut réfléchir une minute, puis :

— Ma foi dit-il l’affaire me paraît assez grave et pressante pour que je quitte mon poste un instant. Si vous le voulez, je vous accompagne à la Préfecture ? Ça va ?…

— Avec plaisir, répondit l’abbé tout joyeux.

— Allons donc !… Tenez, voici précisément un fiacre qui passe à vide.

Et sans attendre l’assentiment de l’abbé, le gardien de la paix fit un signe au cocher qui s’empressa de venir ranger sa voiture, le long du trottoir.

L’abbé et l’agent sautèrent dans le fiacre avec cet ordre qui fit blêmir le cocher :

— À la Préfecture !

Et le fiacre roula…

Au moment où l’on traversait la Place Saint-Lazare, l’abbé Marcotte aperçut Pascal faisant les cent pas, scrutant les physionomies des passants, et fumant sa pipe avec toute l’ardeur que mettent à ce tue-temps nos canadiens.

L’abbé commanda au cocher d’arrêter et fit signe à Pascal d’approcher.

L’ancien-sacristain accourut aussitôt :

— Pascal, dit l’abbé, je m’en vais à la Préfecture de Police, Randall vient de pénétrer dans l’hôtel. Violette y est aussi. Tu vas te poster par là et tu ne perdras pas de vue ceux qui entrent ou sortent. Si tu vois Randall sortir de l’hôtel, suis-le sache où il se retire et reviens ici m’en prévenir. Je serai de retour avant une heure.

— Parfait, monsieur le curé, l’œil ouvert.

Sur l’ordre de l’abbé le fiacre reparti, et Pascal alla se poster en face de l’hôtel.


Dans l’hôtel le docteur se relevait de la terrible basculade que lui avait fait faire le coup de poing de Raoul Constant.

Contre l’attente du lieutenant, le docteur ne riposta pas : car, de même qu’il était brave en face d’un lâche comme Monsieur Gaston, par exemple, — il devenait lâche à son tour dès qu’un homme se dressait devant lui.

Sa physionomie n’exprimait d’autre sentiment qu’une rage froide et une haine implacable.

Quant à Harold, il écumait… Sa fureur l’étouffait… il ne pouvait parvenir à dire deux mots. Par contre, ses gestes menaçants, ses regards sanglants qu’il reportait tour à tour sur Violette et Raoul, accusaient nettement l’ou-