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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/269

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fet et le Juge d’instruction. À quelle heure, pensez-vous ?

— Je désire causer d’abord avec le lieutenant. Mettons quatre heures. Cela vous va-t-il ?

— Très bien. À quatre heures nous serons à l’hôpital.

Le silence s’établit entre les deux hommes.

Monsieur Durieux consultait les notes d’un calepin qu’il venait de sortir de sa poche, et il y ajoutait de temps à autre une note supplémentaire.

L’abbé réfléchissait. Sa physionomie s’était soudain assombrie. Son souvenir venait d’évoquer les sombres événements qu’il avait vécus, et sous cette pensée torturante son front haut et large se barrait d’une ride profonde.

L’abbé Marcotte souffrait beaucoup depuis que Jules Marion, son cher protégé, celui qu’il se plaisait à appeler du nom si doux de « fils », avait été conduit à l’hôpital dans l’état lamentable ou nous l’avons vu, sur la lisière d’un petit bois derrière le front de bataille. Car, alors, on n’avait plus recueilli qu’une loque humaine.

Et le soir, quand l’abbé Marcotte, accouru en toute hâte, s’était trouvé en face de ce lambeau de chair humaine il n’avait pu retenir les larmes de la souffrance.

Depuis ce soir-là, bien que sa physionomie parût conserver son expression habituelle, l’abbé ressentait au profond de son cœur le mal de déchirures inouïes. Et cette maladie de l’âme avait énormément affecté sa santé délicate ; deux jours plus tard il avait dû s’aliter.

Mais son énergie et sa vaillance avaient réagi au bout de quelques jours. Le désir ardent de sauver quand même son « fils » l’avait remis sur pied.

Ce fut quelques jours après, alors qu’on désespérait de conserver la vie à Jules Marion, que le capitaine Constant avait commencé ses démarches pour venger son ami.

La vengeance était absolument contraire aux principes du prêtre. Il tenta de dissuader le capitaine, ce fut en vain.

Raoul avait dit :

— Cet homme… (Harold Spalding) est le plus vil et le plus lâche des hommes ; il convient qu’il soit châtié, et il le sera !

C’était juré.

Plus tard, le capitaine, gravement blessé et mourant, faisait promettre à l’abbé Marcotte de poursuivre la tâche que lui, Raoul, avait commencée. L’abbé avait eu la faiblesse de donner sa parole au mourant. Et cette faiblesse, il le regrettait amèrement en cette heure décisive ou Harold Spalding allait rendre un compte terrible.

Il songeait avec une profonde amertume :