Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Jules m’en voudra peut-être éternellement d’avoir contribué à l’arrestation de Harold. Car, je crois que Jules, de lui-même, ne l’eût jamais accusé de ce crime. Il se serait tu, comme il se taira toujours — j’en suis sûr — par amour pour Violette. Et s’il eût appris les recherches entreprises par la police, il m’eût demandé, supplié, sommé de les faire cesser coûte que coûte… pour sauver l’honneur de Violette !

Oui, toutes ces pensées tourmentaient atrocement l’esprit droit et honnête de l’abbé.

Néanmoins, sa torture était sensiblement atténuée par cette pensée d’espoir :

— Harold va être conduit devant sa victime, et, à moins que le millionnaire ne se condamne lui-même, je sais que Jules ne voudra pas reconnaitre dans Spalding l’homme qui lui a jeté le terrible vitriol à la figure.

De ceci l’abbé était tout à fait sûr, et il en éprouvait une joie immense.

Cette joie soudaine illumina sa figure sombre.

Il fut interrompu dans la suite de ses pensées par deux coups de clochettes qui vibrèrent tout à coup dans la salle à manger.

— Monsieur Durieux, dit l’abbé, voulez-vous me faire le plaisir de diner avec moi ?

L’homme de police ferma son calepin, s’excusa et répondit :

— Je ne vous refuse pas, monsieur l’abbé ; ce sera pour moi un honneur et un plaisir.

— En ce cas, veuillez donc me suivre.

Tous deux pénétrèrent dans la salle à manger.

Pascal, droit et grave à son poste, remarqua tour la première fois depuis longtemps que la physionomie de « son curé » était presque rayonnante. Il tressaillit d’émotion joyeuse.

— Tout va bien se dit-il, je vois ça !

Et plus alerte, plus guilleret, l’ancien sacristain se mit à servir les deux convives.


II

LE CONVALESCENT


Que devint donc notre héros ?

Au sortir du champ de bataille, Jules avait été dirigé en toute hâte vers cet hôpital provisoire d’ il avait fui trois jours auparavant.

Il y était revenu défiguré, méconnaissable, en charpie.

Il était apparu à Violette comme un paquet de chairs sanglantes… des chairs qui palpitaient encore sous un dernier souffle de vie, peut-être !

À cette apparition douloureuse la jeune fille avait ressenti un choc violent.

Son sang s’était comme figé dans ses veines, et elle avait fermé les yeux pendant que ses deux mains s’étaient crispées sur sa poitrine déchirée de sanglots.

Sur le coup il lui avait semblé faire un rêve affreux, et pour rouvrir ses yeux elle attendait