Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/288

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avidité, inquiétude, épouvante, sur la figure immobile du blessé.

Harold Spalding lui-même jeta ses regards éperdus sur sa victime qui allait devenir son juge.

Violette livide et tremblante, s’appuya au dossier d’un fauteuil voisin.

Et dans le morne et lourd silence, ces paroles tombèrent une à une des lèvres de Jules Marion :

— Monsieur le juge, dans le portrait que vous venez de faire, je ne reconnais pas l’homme qui m’a privé de la vue !

Le Juge eut à ses lèvres un sourire vague.

Toutes les poitrines respirèrent avec effort, les physionomies se détendirent, les lèvres crispées s’agitèrent…

Comme par magie Harold releva la tête, se raffermit sur ses jambes et reprit tout son calme.

Violette chancela de joie suprême.

L’abbé Marcotte leva vers le ciel un regard de reconnaissance.

Pascal esquissa une grimace et pensa :

— Pourtant, moi, je jurerais que c’est lui !

Le juge rompait de nouveau le silence :

— Lieutenant Marion, la justice prend acte et fait de votre déclaration. Mais avant de clore l’interrogatoire, il me paraît nécessaire que vous nous fassiez une description de votre agresseur, c’est-à-dire du vrai coupable.

Jules fit alors le portrait du docteur Randall, ce qui fit bondir Pascal et s’écrier :

— Comment !… c’était lui, ce croquant ? Eh bien ! tant mieux… Je suis content de…

Il s’interrompit sur un geste impérieux de l’abbé.

Le juge regarda Pascal et lui demanda d’une voix sévère :

— Vous connaissez le coupable ?

— Moi… bredouilla Pascal interloqué. Non pas… puisque je…

— C’est bon ! interrompit le juge avec un sourire.

Puis, se tournant vers Jules :

— Savez-vous le nom du coupable ? demanda-t-il.

— Il se nommait le docteur Randall.

— Que Dieu a châtié selon sa Divine Justice ! compléta l’abbé d’une voix grave.

— Très bien, fit le juge. La justice des hommes est satisfaite.

Faisant un signe aux deux agents qui gardaient toujours l’ex-industriel, il commanda :

— Le prisonnier est libre.

Cette fois, ce fut la joie qui fit chanceler Harold.

Tout de suite il chercha Violette de regard. Il la vit s’avancer rapidement vers le malade.