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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/289

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En effet, Violette, incapable de résister plus longtemps aux sentiments divers qui se partageaient son esprit et son cœur, s’était faufilée au travers des spectateurs pour s’approcher de Jules. Et là, se penchant avec avidité, elle posa ardemment ses lèvres sur les lèvres closes du blessé. En même temps elle murmura :

— Jules merci… merci pour lui !

Ce baiser et ces paroles furent pour Jules la suprême récompense.

Et sa joie fut complète, lorsque l’abbé vint lui dire :

— Mon fils, tu t’es vengé comme un chrétien… merci !

Alors, un troisième personnage s’approcha : c’était Harold, pâle et sombre. Il avait surpris le baiser de Violette à Jules.

Sans regarder l’abbé, il attira Violette à l’écart et il lui dit d’une voix impérieuse et brève :

— Ce soir, je t’attends rue d’Anjou. Tu viendras ?

— Vous l’exigez ?

— Je le veux.

— J’irai, répondit Violette, soumise.

— J’y compte.

Et sur cette dernière parole, le misérable s’éloigna et sortit de la chambre sans un remerciement, sans un regard de pitié ou de reconnaissance pour celui qui venait de le sauver de l’infamie du bagne.


IV

RUE D’ANJOU


Monsieur Durieux avait dit à l’abbé Marcotte que Spalding avait loué, pour la période d’une année, une magnifique maison rue d’Anjou.

En effet, le soir de ce jour où, grâce à l’héroïque générosité de Jules Marion, il avait vu se refermer les portes sombres du bagne qui un moment, s’étaient ouvertes toutes béantes pour le recevoir, ce même soir qu’il avait fixé à Violette pour l’entrevue exigée nous retrouvons Harold Spalding arpentant un immense salon de sa demeure.

Ce salon, tout resplendissant de peintures de maîtres et de tapisseries d’exquise beauté, s’illumine et scintille sous les mille feux de ses dix lustres d’argent.

Harold se promène, sombre et perplexe, les mains aux poches comme toujours, la tête inclinée.

Un moment il s’arrêta pour consulter une riche pendule qui se dresse dans un angle de l’immense pièce.

Huit heures vont sonner.

Harold reprend sa marche.

Deux minutes s’écoulèrent encore. Puis l’horloge dans le grand silence du salon, vibre