Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/290

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de huit coups qui se répercutent en échos argentins.

Harold s’arrête près d’une table placée au centre du salon. Sur cette table il prend un petit marteau d’argent finement ciselé — œuvre, peut-être, d’un Benvenuto Cellini — l’élève d’un geste lent, puis le laisse négligemment tomber sur un timbre d’or.

À cet appel sonore un laquais en habit noir parait dans le cadre d’une porte à coulisse qui vient de glisser silencieusement.

— Français, dit Harold, j’attends la visite prochaine d’une jeune femme. Vous aurez soin de l’introduire en ce salon et de me prévenir à l’instant si, par cas, je n’y suis pas.

Le laquais s’inclina et disparut.

Harold reprit sa promenade songeant au passé, songeant au présent, songeant à l’avenir.

Il s’absorba tout à fait dans ses pensés… il s’y perdit.

Pour la seconde fois le timbre argentin de l’horloge vibra.

Harold tressaillit et s’arrêta. De ses regards étonnés il constata que la neuvième heure sonnait.

À ce même moment il aperçut tout enfoui dans un large fauteuil, la silhouette gracieuse d’une jeune fille, très pâle dans ses vêtements noirs.

Crut-il à une vision de rêve ? Il frotta vivement ses paupières et, de nouveau, il arrêta ses regards sur la jeune fille.

Violette ne le regardait pas. Ses yeux demeuraient attachés sur la peau de tigre que butait son pied mignon.

Sous son chapeau à larges bords garni de soie noire et sans autre ornement qu’une épingles d’or incrustée de petits diamants s’échappaient les boucles épaisses de sa chevelure rousse ; et sous les feux éclatants des lustres la masse lourde de ses cheveux semblait un bronze en fusion.

Perdue dans ce grand fauteuil, elle apparaissait toute petite, toute frêle, toute mignonne.

Harold la considérait comme avec regret.

Lentement il s’approcha d’elle. Puis, de cette voix à laquelle il savait parfois donner des intonations très tendres, il demanda :

— Violette, y a-t-il longtemps que tu es là ?

La jeune fille releva sa tête fine et répondit :

— À peine un quart d’heure, mon père.

— Un quart d’heure !… Pourquoi n’as-tu pas donné signe de ta présence ?

— J’ai craint de troubler vos méditations.

— Mais je t’attendais avec impatience…

— Je croyais que vous m’aviez vu entrer.

— Moi ?…

— Puisque vous m’aviez regardé !