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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/173

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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

La méthode de chant ou de solmisation inventée par Gui d’Arezzo paraît avoir consisté uniquement dans l’usage du monocorde pour déterminer le son le plus grave d’un chant quelconque, et dans l’analogie, pour imprimer dans la mémoire l’intonation des sons. L’objet que s’était proposé l’auteur de cette méthode, comme il le dit en plusieurs endroits de ses ouvrages, était d’abréger le temps des études et de rendre l’instruction plus facile : comment croire, d’après cela, et surtout d’après la justesse d’esprit qu’on remarque dans ces idées fécondes en résultats, que Gui soit aussi l’auteur d’une autre méthode de solmisation qui fut mise en vogue peu de temps après lui, et qui fut une des erreurs les plus funestes introduites dans la musique[1] ? Je m’explique.

Vers le temps de Gui, mais vraisemblablement après lui, un musicien inconnu imagina de substituer à la division de l’échelle par tétracordes des Grecs, et à celle que Grégoire avait faite par octaves, conformément à la constitution des tons du chant de l’église, une autre division qui ne comprenait que six notes, et qui fut appelée, à cause de cela, hexacorde. Serait-ce parce que Gui d’Arezzo n’avait indiqué dans son exemple de l’hymne de saint Jean que six notes différentes, qu’on en a tiré la conclusion qu’il avait voulu réduire à l’hexacorde les formules de l’échelle musicale, et qu’il avait supprimé la septième note, si nécessaire pour arriver au complément de l’octave, après laquelle seulement les tons et les demi-tons se représentent dans un ordre régulier comme ils sont dans la première formule ? Cela est vraisemblable. Quoi qu’il en soit, il est certain que dans les écrits de Gui qui sont en manuscrit à la Bibliothèque

  1. J’ai moi-même contribué à répandre cette erreur par un article de la Revue Musicale (t. II, p. 385). Deux manuscrits des ouvrages de Gui, dont l’un a appartenu à l’abbé de Tersan, et dont l’autre est à la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, à Bruxelles, enfin un troisième dont le savant de Murr a donné une notice, contiennent la main musicale attribuée à ce moine : or cette main est essentiellement liée au système de la solmisation par l’hexacorde, et j’ai été persuadé d’abord que l’opinion commune sur l’invention de ce système est fondée. Depuis lors, la lecture attentive des ouvrages connus de Gui d’Arezzo m’a fait voir qu’il ne s’y trouve pas un seul mot qui se rapporte au système dont il s’agit. Le manuscrit qui était autrefois à l’abbaye de Saint-Evroul, et qui, depuis lors a passé dans la bibliothèque d’Alençon, contient, d’après la notice donnée par Laborde, des écrits de ce moine que Gerbert n’a pas publiés ; mais sont-ils réellement de lui ? cela est douteux, car j’ai trouvé parmi les manuscrits du Musée Britannique et de l’université de Gand des ouvrages qui lui sont attribués et qui ne lui appartiennent pas.