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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/198

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

nos ancêtres empruntèrent à l’Orient. C’est par des traductions arabes que les ouvrages d’Aristote furent d’abord connus en Europe.
Il est vraisemblable que l’attention publique ayant été excitée par la nouveauté des formes mélodiques, et surtout des ornemens des chansons en langue vulgaire, on n’apporta que peu de soins dans le douzième siècle au perfectionnement de l’harmonie. Trois morceaux qui se trouvent dans le manuscrit de S. Victor, cité précédemment, et qui appartiennent à la fin de ce siècle, sont les seuls monumens de cette époque dont j’ai connaissance. L’un est un Ascendit Christus à deux voix ; le second, un Sanctus à trois parties ; et le troisième, un Alleluia à deux voix. Le second est le plus ancien morceau à trois voix que nous possédons, et nous n’avons de notions de compositions semblables antérieures à celle-ci que par le mot triplum, employé par Francon pour désigner une troisième partie supérieure employée dans l’harmonie. Ces morceaux indiquent quelques progrès dans le mouvement des voix et dans le choix des intervalles ; cependant le principe de la diaphonie y domine encore, car les successions de quintes y sont souvent employées. On y voit aussi des sauts de dissonances assez fréquens ; mais le mouvement contraire est employée assez souvent pour le passage de la quinte à l’octave et de celle-ci à la quinte ; la sixte apparaît en plusieurs endroits comme une préparation de la quinte ou comme lui succédant ; on y trouve aussi quelques tierces ; enfin, dans l’Ascendit Christus on voit le plus ancien exemple connu du retard de la tierce par la prolongation de la quarte. Il y a lieu de croire que les deux morceaux dont je viens de parler sont au nombre des premiers essais qui ont été faits de la substitution du déchant à la diaphonie dans le chant de l’église. On y trouve aussi les plus anciens exemples des ornemens de la mélodie pour l’emploi de la plique.
Le manuscrit qui nous a transmis les deux anciens monumens dont je viens de parler, est d’autant plus précieux qu’on y trouve les règles de la succession des accords dans tous les mouvemens de notes, telles qu’elles existaient à la fin du douzième siècle, et que c’est le seul ouvrage de ce temps que nous possédons sur une matière si importante.

Treizième siècle. La composition des chansons en langue romane, en flamand, en langue teutonique, est l’objet de l’attention générale à cette époque. Les trouvères se multiplient en France et dans les Pays-Bas ; les maîtres-chanteurs, en Allemagne. Tous sont poètes et compositeurs de mélodies ; aucun, jusqu’en 1250, ne paraît avoir harmonisé ses chansons, et