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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/203

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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

français qui a composé la mélodie et l’harmonie d’un morceau de musique : il écrivait entre 1314 et 1321.
Je dois à l’obligeance des membres d’une société établie à Gand, pour la conservation des monumens historiques de la Belgique, la connaissance que j’ai acquise de deux feuilles de parchemin qui contiennent des chansons françaises à trois voix, du quatorzième siècle. Ces chansons proviennent d’un manuel de chant (Handtboeck) du monastère de Ter-Haeghen, en Flandre. L’une de ces chansons (Pour ma dame que Dieu gart) est un morceau non moins intéressant que le rondeau de Jehannot Lescurel ; les ornemens du chant sont d’un genre différent de ceux qu’on trouve dans l’ouvrage de ce musicien ; mais l’harmonie est moins châtiée.
La bonne fortune qui semble m’avoir destiné à faire d’heureuses découvertes pour l’histoire de la musique de quelques époques mal connues, m’a fait trouver dans la Bibliothèque royale de Paris un recueil manuscrit de cent quatre-vingt-dix-neuf chansons italiennes à deux et à trois voix. Les auteurs de ces chansons sont au nombre de treize et se nomment : Maestro Jacopo da Bologna, Francesco degli organi, Frate Guiglielmo di Francia, Don Donato da Cascia, Maestro Giovanni da Firenze, Lorenzo da Firenze, S. Gherardello, S. Nicholo del Proposto, l’Abate Vicenzio da Imola, Don Paolo Tenorista da Firenze, Frate Andrea et Gian Toscano. J’ai fait voir ailleurs que toutes ces chansons ont été écrites depuis 1350 jusqu’en 1430[1] : leur mélodie est souvent une chanson populaire française ou italienne ; j’ai trouvé quelques unes de ces mélodies non harmonisées dans les recueils des trouvères du treizième siècle.
Le trait de nouveauté le plus important des compositions du quatorzième siècle, et particulièrement des chansons italiennes dont je viens de parler, c’est la syncope, qui a préparé pour une époque suivante de perfectionnement l’emploi des dissonances comme des retards de consonnances. Les dissonances apparaissent aussi de loin en loin dans ces antiques monumens de l’art ; mais presque toujours elles sont attaquées par des anticipations de consonnances, sorte de licence qui est devenue plus rare, en raison des progrès de l’harmonie pure, et dont l’emploi est redevenu fréquent à l’époque actuelle où l’art d’écrire a beaucoup dégénéré.

  1. On peut voir dans le premier volume de la Revue musicale une dissertation sur les noms de ces musiciens, et sur le temps où ils ont vécu.