Aller au contenu

Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ccxxv
DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

toutes ces querelles, empreintes de la grossièreté de langage des temps, sont depuis lors tombées dans un juste oubli. Près de quarante ans après la publication du système de Lemaire, sa méthode n’était pas encore si bien établie, qu’on ne la distinguât de l’ancienne par le nom de la gamme du si. De nouvelles générations s’accommodèrent mieux de l’usage de cette gamme, et la solmisation par les hexacordes fut enfin reléguée dans le plain-chant.

Remarquez que la résistance et les disputes ne vinrent que de ce qu’on n’avait pas compris la réalité de la transformation de la tonalité après les inventions harmoniques de Monteverde. La solmisation par la méthode des hexacordes était sans doute vicieuse dans le plain-chant ; dans la tonalité nouvelle elle était insoutenable. Personne ne s’avisa de cela.

Ce n’était point assez pour Monteverde d’avoir créé une tonalité, une harmonie, d’avoir découvert l’accent des passions, et d’y avoir joint le coloris de l’instrumentation ; sa lumineuse pensée conçut aussi la nécessité d’un rhythme régulier. À peine indiqué par ses prédécesseurs, même dans la musique du drame, ce rhythme n’était encore qu’un besoin secondaire pour la plupart de ceux qui aimaient l’art : on ne le trouvait guère que dans la danse. Clément Jannequin était à peu près le seul qui eût trouvé le secret de lui donner de la cadence dans la musique des voix. Mais au temps où vivait cet artiste, le moment n’était pas venu pour que le mérite de cette nouveauté pût être apprécié. Ce ne fut pas sans résistance non plus que Monteverde parvint à faire triompher ses idées sur cette importante faculté de l’art. Cet homme était né pour les découvertes, mais chacune de ses conquêtes lui valut une guerre. Lui-même nous a conservé le souvenir des discussions qu’il dut soutenir contre les exécutans, lorsqu’en 1624 il fit entendre, à Venise, dans la maison de Jérôme Mozzenigo, l’épisode du combat de Tancrède et de Clorinde, emprunté au troisième chant de la Jérusalem délivrée. Il avait, dit-il, divisé les mesures en seize notes sur la même intonation ; mais les instrumentistes ne voulaient pas articuler toutes ces rapides valeurs ; ils les réduisaient à une seule percussion par chaque mesure. À la fin, pourtant, ils furent obligés de se conformer à la volonté du compositeur, et après avoir entendu l’effet de ce rhythme, ils avouèrent sa supériorité. Les autres musiciens ne tardèrent point à s’emparer de cette découverte ; on en trouva de beaux exemples dans le drame de Landi, Il S. Alessio, et dans les premiers opéras de Cavalli. Aux rhythmes de Monteverde, ces musiciens ajoutèrent des rhythmes nouveaux.