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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/112

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demander.

M. Beaufils se leva aussitôt, obéissant à son geste mignon que n’eût point désavoué une grande dame. Elle lui prit le bras. Ils se dirigèrent tous deux vers le cabinet dont la porte resta ouverte.

— Ah çà ! dit Letanneur à demi-voix, la chose paraît se compliquer.

— Il faudra compter avec cette belle fille-là, répondit Comayrol qui réfléchissait. Beaufils m’étonne. Ça marchait si bien ! ajouta-t-il avec un soupir.

— Je n’y vois plus goutte ! gémit le bon Jaffret. C’est mystérieux comme une société secrète d’Allemagne !

Moynier, l’expéditionnaire, demanda :

— Saura-t-on le fin mot de s’en aller ?

— Le fin mot, répliqua le roi Comayrol d’un air contraint, c’est qu’il nous manquait deux marionnettes pour faire un théâtre complet. Les deux marionnettes qui manquaient sont tombées du ciel ou montées de l’enfer, je ne sais trop lequel. La chose certaine, c’est que la troupe y est et qu’on va commencer la comédie. Au rideau !

On entendait Marguerite et M. Beaufils qui riaient dans le cabinet.

En ce moment, Joulou poussa un soupir de bœuf et crispa son poing autour d’un objet imaginaire, en murmurant des paroles sans suite.

— Est-il ivre ou fou, ce gros-là ? murmura Letanneur. On dirait qu’il caresse un couteau.

Le bon Jaffret pensa tout haut :

— S’il y avait eu moyen de retirer ses fonds… Je n’aime pas les cachotteries, quand ce n’est pas moi qui les fais.

Mais le fretin de l’étude Deban était d’un avis tout opposé. Il y avait là cinq jeunes gens prêts à se jeter tête baissée dans l’aventure, quelle qu’elle fût. Aucun d’eux n’était précisément un coquin pour le moment, aucun d’eux n’avait droit au titre d’honnête homme. L’étude Deban, nous n’avons pas pris la peine de le cacher, était une détestable école ; — mais si un Barême quelconque faisait tout à coup le compte des gens qui, dans Paris, vont au hasard de la vie, sans principe ni soutien moral, prêts à tomber, selon les caprices de l’équilibre, du côté du mal ou du côté du bien, les pessimistes eux-mêmes auraient un quart d’heure d’étonnement effrayé.

Ajoutons que les gens qui composent la