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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/179

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faillir.

La rue Notre-Dame-des-Champs, heureusement, est une des plus désertes de ce quartier solitaire. Personne ne passait. Roland put se traîner à quatre pattes jusqu’à l’angle de la rue de Vaugirard. Là, il s’assit dans l’enfoncement d’une porte et reprit haleine. C’était l’émotion qui l’étouffait bien plus que la fatigue.

Pendant qu’il se reposait, l’équipage à quatre chevaux de M. le duc de Clare passa et entra au grand trot dans la rue Notre-Dame-des-Champs. Ce fut pour Roland le signal du départ ; la fraude allait être découverte et il fallait s’éloigner à tout prix.

Il se leva et marcha bien plus facilement qu’il ne l’eût espéré. Il descendit la rue de Vaugirard jusqu’à la rue Cassette qu’il prit, et, une fois là, il se reposa encore. Désormais, il se regardait comme sauvé.

Onze heures sonnaient quand il reprit sa course. Il avait bien rencontré, le long de la rue de Vaugirard, quelques symptômes de mi-carême. Dans la rue Cassette, austère boyau, tout était silence. Il suivait péniblement le trottoir désert lorsqu’un grand bruit sortit d’une porte cochère. C’était la porte du no 3 ; Roland la reconnut, et une sensation d’angoisse lui traversa le cœur : c’était pour venir là que, la dernière fois, il avait quitté sa mère.

Une joyeuse bande de masques s’élança au-dehors en tumulte : toute la Tour de Nesle, hommes et femmes, escortant triomphalement un gros Buridan aux trois quarts ivre, dont la vue arrêta Roland comme un choc.

Le souvenir de ce visage rude et fruste comme les saints de bois d’une église de village, reproduisit en lui le froid du couteau, pénétrant dans sa poitrine. Sa blessure eut un élancement. Il chancela et s’accota au mur.