Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/183

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qui fait, ce soir, le métier de polichinelle… Quand il va revenir à lui, vous ferez le mort, s’il vous plaît, Monsieur Auguste, et pas de bêtise, rapport à ma réputation dans le quartier.

La réponse de la nièce importe peu. Ayant parlé ainsi, Mme Marcelin ferma la porte et brûla une plume d’oie sous le nez de Roland qui reprit ses sens. La voisine lui sucra un verre d’eau ; il n’y avait plus que cela sur la table. Roland but avec effort et murmura :

— Je n’ai pas rêvé, maman est morte !

Il y avait dans ses yeux une douleur si navrante que la voisine en ressentit vivement le contre-coup.

— Pauvre grand sot ! dit-elle en réchauffant ses mains qui étaient de marbre, je pensais toujours : il va revenir ! il va revenir ! Trois semaines de noce, ça n’a pas de bon sens ! du mardi gras à la mi-carême ! Elle t’aimait tant ! ah ! en voilà une qui a souffert !… quoique, je vous prie de croire, Monsieur Roland, qu’on ne l’a pas abandonnée : les cinq dernières nuits, j’ai couché dans sa chambre sur un matelas… et je l’ai menée jusqu’au Montparnasse, en grand noir… Un bien pauvre convoi, c’est sûr, il n’y avait que moi et le docteur.

La tête de Roland s’affaissa. La voisine sentit sur sa main un baiser qui lui mit des larmes dans les yeux.

— Sans doute, sans doute, fit-elle, tu as bon cœur. Parbleu ! ça m’a plus étonnée de toi que d’un autre. Tu l’embrassais si bien ! et puis vous n’étiez au monde que vous deux… mais voilà ! je l’ai dit souvent : il est trop beau ce garçon-là ! on l’attachera par une patte. Seulement, je ne pensais pas que tu irais si bien, dès la première fois. Trois semaines de noce ! trois semaines et deux jours ! quelle vie