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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/23

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— J’aurais mieux aimé Marguerite, dit-il, mais vous feriez un crâne Gauthier d’Aulnay, vous ! Je m’appelle Léon Malevoy. Quelle heure est-il ?

Roland se dressa de son haut, et il était grand, quand il se dressait ainsi. Peut-être pensez-vous que cette question tant de fois et si mal à propos répétée : Quelle heure est-il ? lui échauffait décidément les oreilles, qu’il avait, du reste, singulièrement faciles à échauffer. Vous vous tromperiez. La galante mine du Buridan avait caressé ses instincts de peintre. Il eût, en vérité, pardonné beaucoup à ce fier jeune homme qui portait avec une grâce si cavalière les guenilles à la mode, mais son regard venait de rencontrer le pied du lit, où M. Léon Malevoy sommeillait naguère. Sur le pied du lit, il y avait un madras quadrillé jaune vif et ponceau, chiffonné selon l’art suprême que les grisettes bordelaises prodiguent à la coquetterie de leur coiffure.

Roland était très pâle et ses lèvres tremblaient :

— Il est l’heure de savoir, prononça-t-il entre ses dents serrées, comment s’appelle la Marguerite que vous attendiez, Monsieur Léon de Malevoy ?

— Marguerite de Bourgogne, parbleu !

— Est-ce à elle ce fichu qui est là ?

Il montrait le pied du lit avec son doigt étendu convulsivement.

Buridan regarda tour à tour le fichu de madras, puis le visage de son interlocuteur.

La ligne nette et délicate de ses sourcils se brisa. Il mit le poing sur la hanche et demanda d’un ton provocant :

— Qu’est-ce que cela vous fait ?

Roland avait ce calme des terribles colères.

— Dans Paris, reprit-il lentement, il y a encore plus de madras que de Margue-