Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/233

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rente de 365 idées qu’elle allait assurer annuellement à ses lecteurs ; la Patrie, Siècle du soir, le Courrier français, Patrie du matin, les Débats drapés dans leurs langes doctrinaires, la Gazette de France, mouche piquante, posée sur le nez du roi bourgeois ; la Quotidienne, souvenirs et regrets ; l’Estafette, le Temps, le Globe et vingt autres, les forts et les faibles, les intelligents et les obtus, tous sentaient l’ail. L’ail est le niveau. Une fois tombés à ces profondeurs, les chefs-d’œuvre de l’esprit humain ne respirent plus qu’un souffle : l’ail.

Cependant, auprès du poêle, l’aristocratie mangeait dans des assiettes. M. Baruque, un rognon, sauté par Viot l’aquatique ; Gondrequin-Militaire, l’aile d’un poulet maigre, rôti par l’aquatique Rousseau. Autour d’eux, la bourgeoisie et le peuple, disposés dans un joli désordre, tordaient le petit salé ou broyaient le cervelas avec un appétit unanime. On causait, on riait, on chantait. Dans cette foule joyeuse, nous choisirons trois groupes plus particulièrement liés à notre histoire.

Le premier groupe, composé de deux individus seulement, se tenait à l’écart : il était formé par Échalot (pour le torse), et le pauvre vilain petit enfant qui posait pour le bambin-volant dans le tableau des jeux zygomatiques. Les deux moitiés d’athlètes s’étaient en effet séparées ; pendant qu’Échalot, cœur véritablement maternel, s’occupait de l’héritier indivis, Similor-les-Mollets, homme de plaisir, avait rejoint Mlle Vacherie et déjeunait avec les saltimbanques.

C’était ici le second groupe, composé du pitre, du premier rôle, de l’Ours, de l’Albinos et du Physicien.

Le troisième groupe ne comptait guère que des artistes de l’atelier et entourait Gondrequin-Militaire, qui avait la parole solennelle, abondante et difficile.

M. Baruque, lui, semblait préoccupé : ses petits yeux gris allaient et venaient.

Saladin pouvait avoir deux ans moins quelques mois ; il ne parlait pas encore, mais il se traînait comme un reptile ; il