Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/236

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Chaussée-d’Antin, et que je pourrais la perdre de fond en comble rien qu’en disant à son millionnaire d’époux : Psst ! hé ! là-bas ! votre baronne a commis une importunité avec un jeune homme pas mal, qu’est moi, censé, dont j’ai les témoignages dans sa correspondance sur papier de soie où elle m’écrivait : « Similor, idole de mon âme ! » Et que Saladin en est la preuve matérielle d’un caprice coupable en ma faveur, avec quoi on pourrait faire chanter l’orgueilleuse famille sur tous les airs qu’on voudrait, si on n’écoutait pas les sentiments de sa délicatesse !

L’auditoire écoutait bouche béante et Mlle Vacherie oubliait d’avaler, tant elle était contente.

Une chose nous gêne, c’est la peur d’imiter Virgile ; Évidemment cette scène ressemble à l’entrevue d’Énée, fils d’Anchise, avec Didon, entourée de sa cour, mais il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

Similor posa son chapeau de travers. Son double triomphe d’orateur et de séducteur l’enivrait.

— C’était pour vous faire observer, reprit-il, qu’Échalot a eu les mêmes occasions que moi dans le monde. Pourquoi est-il resté en bas du mur pendant que je montais à l’échelle ? C’est les facultés de l’âme. Quant à moi, parti de la danse des salons, dont j’ai tous les certificats et diplômes, j’ai arrivé par les femmes, joint à mon adresse. Tant que vous ne faites pas de tort à l’honneur, vous pouvez marcher la tête levée, c’est connu. La ficelle est permise comme la marque de la pénétration d’un chacun… Oui, ma poule, s’interrompit-il en offrant son cornet de tabac à Mlle Vacherie, j’en ai vu de drôles, et j’ai été mélangé à des machines où il s’agissait de millions de milliasses… Tel que vous me voyez, je déjeunais tous les matins avec Toulonnais-l’Amitié.

— Le fameux M. Lecoq ! fit-on à voix basse dans le cercle.

— Celui qui a été guillotiné par la porte d’un coffre-fort, chez le banquier Schwartz !