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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/243

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— Tiens ! c’est deux puces avec un bourgeois ! Excusez !

Nous savons que Nita était partie de l’hôtel de Clare avec l’intention de « bien s’amuser » ; il s’agissait de voir une des plus grotesques curiosités de la sauvagerie parisienne.

Sa conversation avec Rose, cependant, avait changé son humeur et ramené son esprit à des pensées d’un tout autre ordre. Nita était d’un caractère vaillant, franc et gai ; son enfance s’était écoulée près de son père, dans une sorte de solitude errante, au milieu d’un luxe austère et presque royal. Puis était venue cette année de deuil, passée au Sacré-Cœur où tout le monde, maîtresses et pensionnaires, l’avait traitée en princesse. Le premier essai de ce qu’on appelle le « plaisir » avait eu lieu pour elle seulement depuis son retour à l’hôtel de Clare, habité maintenant par le comte et la comtesse du Bréhut. On voyait là une nombreuse et brillante société où Nita, sans y regarder de bien près, découvrait pourtant de bizarres mélanges.

Peut-être n’en était-elle pas encore à creuser ce sujet de réflexions.

Beaucoup de familles, dont les beaux noms sonnaient sans cesse à son oreille du temps de son père, fréquentaient toujours l’hôtel et venaient aux grands lundis de Mme la comtesse ; mais il y avait, dans l’intimité, des hôtes dont le blason n’avait certes point pris ses émaux aux croisades. La comtesse elle-même, qui était une femme de grand ton, de grand esprit, avait parfois d’étranges moments, et ressemblait alors à une excellente comédienne que son rôle fatigue.

Une chose avait frappé Nita, ce matin, dans sa conversation avec son amie Rose : M. Léon Malevoy, notaire, ne voulait point permettre à sa sœur l’hôtel de Clare, parce que, — c’étaient les propres paroles de Rose, — « M. Léon Malevoy avait connu Mme la comtesse dans sa jeunesse. » N’était-ce pas là une singulière et brutale accusation !

En s’interrogeant à ce sujet, Nita trouvait en elle-même de vagues défiances, déjà nées, sans qu’elle eût pu expliquer pourquoi. La femme de son tuteur ne lui avait jamais inspiré de bien ardentes