Aller au contenu

Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sympathies.

Mais quel abîme entre ces défiances d’enfant et le mépris nettement formulé de M. Léon Malevoy !

Nita se souvenait : en son vivant, M. le duc de Clare professait pour le jeune notaire une singulière estime, et la mère Françoise d’Assise l’avait appelé à sa dernière heure.

D’un autre côté, chez Mme la comtesse on ne parlait pas bien de M. Léon Malevoy. Nita écoutait peu, quand il était question d’affaires, mais sa tendre affection pour Rose lui avait parfois ouvert l’oreille, et elle avait surpris de graves insinuations. Elle savait que l’intention de Mme la comtesse était de placer en d’autres mains ses intérêts à elle, Nita ; elle savait que Mme la comtesse appuyait ce désir sur la crainte d’un danger : à son dire, la position du jeune notaire était sérieusement menacée.

Il faut ajouter tout de suite que cette opinion de Mme la comtesse contrastait avec la croyance commune. Parmi ses confrères, dans sa clientèle et partout, Léon Malevoy, malgré son âge, s’était concilié des sentiments d’estime qui allaient presque jusqu’au respect.

Entre son affirmation et celle de Mme la comtesse du Bréhut, l’instinct de Nita n’eût pas longtemps hésité.

Ce n’est pas au hasard que nous avons prononcé le mot instinct, et il nous reste à déclarer que la majorité du faubourg Saint-Germain d’alors l’eût remplacé par le mot préjugé. Pour le monde, Mme la comtesse du Bréhut de Clare était en effet une de ces femmes accomplies qui savent unir la solide vertu à tous les prestiges de l’élégance. Elle s’était fait une haute réputation de piété ; les œuvres charitables, patronnées par elle, l’entouraient comme un rempart ; elle avait de nombreux et grands aboutissants ; on disait tout bas qu’elle n’était pas étrangère à certaines combinaisons politiques.

Elle était jeune encore, et belle, et remarquablement spirituelle. Elle avait pour son mari souffrant des tendresses de fille ou de mère. Certes, si elle l’eût voulu, elle aurait pris d’assaut le capricieux char de la mode pour le mener à grandes guides. Mais elle ne voulait pas, ou plutôt, elle