Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/267

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vous remerciant tout de même… Autre chose encore ! Vous savez, le monsieur qui cherche après vous ? le muscadin qui se dit envoyé par votre marchand de tableaux, rue Laffitte ? il est revenu hier. Il veut vous acheter pour des mille et des cents, à ce qu’il prétend…

— Adresse-le à M. Baruque, dit Roland.

— C’est vous qu’il veut. Il évite l’atelier et arrive par la rue des Mathurins. Qu’est-ce que ça vous fait de le voir ? tenez, voilà sa carte.

La Tour Bertaud, depuis que Roland l’avait appropriée à son usage, avait une entrée particulière sur la rue des Mathurins.

La carte du « muscadin » portait, sous un joli écusson de fantaisie, nageant dans un nuage lilas et timbré d’une couronne de vicomte, ce nom harmonieux : Annibal Gioja.

Et au-dessous, entre parenthèses : (des marquis Pallante).

Roland jeta la carte sur sa toilette.

— Faudra-t-il le recevoir la prochaine fois ? demanda Jean.

— Non, répondit Roland. Laisse-moi.

Jean quitta la chambre à coucher. Roland restait seul. Il ouvrit la lettre, après l’avoir tournée et retournée entre ses mains avec une sorte d’effroi. C’était un papier d’affaire, avec tête lithographiée ainsi conçue :

« Étude de Me Léon de Malevoy, rue Cassette, no 3. »

La lettre disait :

« Monsieur Cœur est prié de passer à l’étude pour affaire qui l’intéresse.

» Signé : Urbain-Auguste Letanneur,
» maître clerc. »

Il ne faut pas s’y tromper : de toutes les missives ce sont ici les plus romanesques, les plus poétiques, les plus éloquentes à l’imagination. Ces quelques paroles concises et froides contiennent pour la plupart des hommes tout un monde de promesses ou de menaces.

Si le lecteur n’a pas oublié l’étrange conciliabule tenu par les clercs de l’étude Deban au cabaret de la Tour-de-Nesle, ce nom d’Urbain-Auguste Letanneur peut lui être resté familier. Letanneur, alors