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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/291

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sible des fiançailles.

Car l’époux ne se montrait point, et pourtant on le devinait. Cette suave, cette fière enfant dont un trouble divin fleurissait la joue, était éclairée par un regard qu’on ne voyait pas, comme le soleil caché illuminait avec mystère tous les objets d’alentour.

Elle portait le deuil, et le peintre avait vaincu avec un bonheur inouï cette difficulté de marier l’étoffe noire de sa robe à la blanche toilette de sa compagne et aux pâles profils d’un mausolée.

Il faut, dit-on, une scène pour faire un tableau. Je ne crois pas. Ici, il n’y avait point de scène. Un livret d’exposition eût dit tout simplement : « Jeune fille qui s’apprête à déposer un bouquet sur une tombe ».

Il n’eût pas même mis « jeunes filles » au pluriel, le livret, car ce délicieux portrait de Rose qui, tout à l’heure, semblait être le tableau tout entier, s’effaçait, dès que la draperie repoussée découvrait l’adoré sourire de Nita. Nita était le tableau ; Nita était l’épousée de ces mystiques fiançailles.

Nita laissait tomber sur le bouquet un regard, profond comme un aveu, doux comme un baiser.

Nita… Mais n’avons-nous pas tout dit à l’avance et d’un seul mot ? À la vue de Nita, Mlle de Malevoy, tombant du haut de son triomphe, s’était sentie mourir et avait dit :

— C’est elle qu’il aime !

Elle ne se trompait point. Pour lire cela sur la toile, il n’était même pas besoin d’un regard rival et jaloux. Nita ici était le parfum, le rayon, l’âme.

Elle ressortait, belle et réelle, au-devant de sa compagne embellie. La ressemblance tenait du prodige. Pour peindre ainsi de souvenir, il faut vivre avec l’adoré modèle.

Au moment où la draperie avait glissé sur sa tringle, découvrant ce secret d’amour, toutes ces pensées avaient étreint le cœur de Mlle de Malevoy comme une main de torture. Toutes et d’autres enco-