Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/303

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carcan de percale empesée.

Le gros avait l’habit ouvert, étalant un gilet de satin noir tout neuf où ruisselaient des chaînes et breloques ; le maigre boutonnait sa redingote étriquée, laquelle ne laissait voir qu’un petit morceau de chemise. Son pantalon un peu court découvrait une paire de bas blancs. Il était coiffé en ange, séparant sur le front ses cheveux rares et grisonnants qui tombaient en mèches ternes sur ses épaules. Son chapeau avait de larges bords.

Il entra le premier, courbé en deux et souriant avec prévenance. La coiffure à l’ange donne aux personnes d’un certain âge qui ont les os pointus une physionomie tout particulièrement ascétique, surtout si les jambes sont mal attachées et le corps dégingandé suffisamment. Nous avons plusieurs apôtres qui se coiffent à l’ange. Ils sont jolis.

Derrière lui venait le gros, la poitrine étalée, la joue bouffie, le sourire content et presque provocant. Il éblouissait, en vérité ; on baissait les yeux devant ses lunettes d’or.

D’un geste courtois et froid, Roland leur montra des sièges. L’ancien roi Comayrol toussa et s’assit ; le bon Jaffret dit, en restant debout :

— Monsieur et cher voisin, nous avons bien l’honneur de vous offrir nos compliments empressés et nous venons vous faire une petite visite de politesse.

— C’est vous qui m’avez écrit ce billet ? l’interrompit Roland en dépliant la lettre anonyme.

La main de Comayrol, ornée de bagues, dessina un geste affirmatif plein de franchise et de dignité. Jaffret s’assit au bord d’une chaise qu’il fit grincer sur le parquet.

— On a pris cette permission, répondit-il en croisant ses doigts maigres sur ses genoux, pour être bien sûr de vous rencontrer chez vous. Il s’agit d’une affaire