Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/352

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recevoir son brevet de colonel ; Guillaume allait entrer dans les ordres.

C’étaient deux beaux jeunes gens. Ma sœur, tu as été à même trois fois d’apprécier l’admirable sang de cette race : tu as vu lady Rolande Stuart presque centenaire, tu as vu le duc Guillaume à soixante ans ; tu voyais ce matin encore la princesse Nita, brillante de grâce et de jeunesse…

— Je ne connais rien de si beau qu’elle, murmura Rose, si ce n’est lui !

— Lady Stuart, poursuivit Léon de Malevoy, aimait tendrement ses neveux Raymond et Guillaume, mais sa préférence était pour Raymond, le jeune duc, cœur généreux, esprit hardi. Le besoin de son éducation militaire avait nécessité pour lui un séjour de deux années à Paris. Quand il revint, il était impossible de voir un plus parfait cavalier.

Seulement lady Stuart découvrit en lui avec une profonde inquiétude des idées qui n’étaient point celles de ses pères. En ce temps-là, Paris n’enseignait déjà plus l’amour du passé. Le fils des chevaliers avait détaché un fruit de l’arbre de la science. Il rapportait de ce brûlant foyer parisien qui chauffe périodiquement l’enthousiasme du monde entier, la fièvre nouvelle ; il était un homme de l’avenir.

Cette grande date 1789 éclatait sur le monde. Les deux frères s’aimaient, et pourtant ils se dirent adieu, pour suivre deux routes opposées.

Quelques années plus tard, lady Rolande Stuart, rentrée en France par la porte du danger, travaillait ardemment et au risque de sa vie au rétablissement du trône. Elle payait avec son sang cette hospitalité du château de Saint-Germain, maigre et presque honteuse, que les Bourbons avaient donnée jadis comme une aumône à Stuart dépossédé. Guillaume, laissant là le surplis, combattait à l’armée de Condé. Raymond, — le duc, — était simple sergent à Sambre-et-Meuse, malgré son brevet de colonel.

On vit cela souvent à cette époque tempétueuse.

La tempête se calma au-dedans, portée au dehors par les gloires de l’Empire. En