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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/54

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elle ennuyeuse l’étude Deban !

Allons !
Chantons !
Trinquons !
Buvons !

— Voilà une grande heure qu’ils radotent ce refrain ! C’est monotone… Si je n’avais pas peur de perdre ma position ici, j’irais les égayer un petit peu.

Il plaça la cruche sur la table et se dirigea sur la pointe du pied vers le couloir. Quand il revint, il avait du sang aux joues. Il grondait.

— Celui-là me déplaît ! Elle a fermé les deux portes. Je ne peux pas entendre ce qu’ils se disent. Si quelqu’un voulait me prendre ma situation, tant pis pour ce quelqu’un-là ! Il n’est pas le prince russe, que diable !… Non… mais s’il était le premier mari !…

Il cligna de l’œil à l’aile du poulet qui attendait sur son assiette. Elle était bonne, il en convint franchement. Cependant, un trouble restait dans son épaisse cervelle et ce fut avec mauvaise humeur qu’il entama la cruche de bière.

Roland était assis maintenant sur le divan auprès de Marguerite. C’était, en vérité, un couple merveilleux. Jamais théâtre n’eût pu trouver deux plus brillants acteurs, pour jouer ce mystérieux prologue de la Tour de Nesle qui est raconté dans la scène du cachot : Marguerite à vingt ans, Lyonnet de Bournonville à dix-huit : le page et la princesse.

Pas si épaisse, la cervelle de la brute ! Roland était peut-être le « premier mari ».

Marguerite le regardait avec une souriante bonté, comme cette autre tigresse, Élisabeth Tudor, devait regarder le blond Dudley, comte de Leicester. Quant à Roland, sa physionomie exprimait un naïf et religieux respect.

Marguerite avait parlé, Marguerite avait menti, ce qui est tout un.

— Que pensez-vous de moi ? demanda-t-elle.

— Je pense, répondit le pauvre page, que vous êtes un ange.

Elle sourit amèrement.