Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/66

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— Il m’a frappée, répondit Marguerite.

— Ah ! grinça Joulou. T’a-t-il fait mal ?

— Oui… beaucoup de mal.

Joulou ferma les poings et fit effort pour avaler sa salive qui l’étranglait.

Roland devait être au dernier étage. On entendait encore son pas dans l’escalier sonore, par la porte du carré qu’il avait laissée ouverte.

Joulou rassemblait les idées confuses qui se heurtaient dans le brouillard de sa cervelle.

— Et… demanda-t-il au grand étonnement de Marguerite, avait-il le droit de te frapper ?

— On trouverait du gentilhomme au fond de toi ! pensa-t-elle tout haut.

— Réponds ! ordonna Joulou. Il ne faut pas qu’il ait le temps d’aller trop loin… Avait-il le droit ?

— Eh bien ! oui, dit Marguerite, qui ramena sur son regard la frange de ses longs cils. Je l’aimais ; je n’ai jamais aimé que lui !

La gorge de Joulou râla. Il mit la main sur la dague qui pendait à sa ceinture.

— Après ! fit Marguerite d’un ton de défi.

Elle se retourna vers la fenêtre et l’ouvrit pour s’accouder sur le balcon.

Joulou la suivit. Elle tressaillit de la tête aux pieds, aux sons de sa voix qui lui parlait à l’oreille.

— Après !… grinçait la voix de Joulou. Je vais le tuer.

Marguerite haussa les épaules.

Joulou leva sur sa tête, par-derrière, sa lourde main, mais il n’osa pas frapper.

La lumière intérieure glissait sur les belles épaules de Marguerite que les masses éparses de ses cheveux inondaient magnifiquement.

Elle pensait :

— Le boulevard est toujours désert…

La porte de la maison s’ouvrit. Roland sortit. Son pas chancelait.

Marguerite se rejeta en arrière comme on fait en voyant un spectacle qui serre subitement le cœur.

Elle entendit Joulou qui traversait le salon pour gagner la porte du carré.