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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/67

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— Où vas-tu ? demanda-t-elle.

— Je te l’ai déjà dit, répliqua le Breton : Je vais le tuer.

— Non… Je te le défends ! dit-elle faiblement.

— Tu parles comme si tu ne l’aimais pas, gronda Joulou qui s’arrêta au moment de passer le seuil.

— Je l’aimerai ! s’écria-t-elle en un élan qui devait être la passion même. Je l’aimerai comme une folle !

Joulou s’élança dehors.

Elle le rappela par son nom.

Sa voix était si nette et si froide que Joulou s’arrêta une seconde fois.

— Il a un portefeuille, dit-elle.

— Ah ! fit Joulou.

Puis il ajouta la tête basse :

— Je ne suis pas un voleur, sais-tu ?

— Le portefeuille est à moi.

— Il te l’a pris ? demanda Joulou incrédule. Il n’a pas l’air.

Puis, il ajouta, l’apathie de l’ivresse dominant déjà sa colère :

— Il doit être loin désormais.

Marguerite regagna le balcon d’un mouvement rapide et plongea un regard au-dehors.

— Il est là, sur le banc, dit-elle.

— Un voleur ne s’assoit pas comme cela, si près de la maison où il a pris un portefeuille, pensa tout haut Joulou, dans une éclaircie de bon sens.

Marguerite revint vers la cheminée et se jeta sur le divan, en pleine lumière. Sa pose, étudiée savamment, développait toutes les perfections de sa merveilleuse beauté.

— Tu as peur de lui, dit-elle. Poltron de Chrétien !

Le blanc des yeux de Joulou devint rouge. Marguerite poursuivit :

— Tu as raison d’avoir peur. Il est brave, il est fort. Tiens ! on ne va pas contre sa destinée ! Je veux qu’il soit à moi, tout à moi… Adieu, Chrétien !

Elle se leva d’un bond et jeta une mante sur ses épaules.

Joulou la saisit à bras-le-corps et la terrassa, puis il s’élança dehors et ferma la porte à clef.