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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/68

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— Le portefeuille ! cria Marguerite à travers le battant.

Joulou descendait l’escalier quatre à quatre.

— Ah ! tu veux me prendre ma position, toi ! grommelait-il, roulant d’étage en étage et rendu à toute son ivresse par le flux de sang qui bouillonnait dans son cerveau. Attends ! attends !

Marguerite se releva lentement. Elle appuya ses deux mains contre sa poitrine.

— C’est vrai ! murmura-t-elle avec angoisse. Je l’aurais aimé. Mon cœur naissait. Je l’écrase !

Elle se laissa choir, et prenant à poignées la richesse de ses cheveux, elle en voila sa face.

— Pour vingt mille francs ! dit-elle d’un accent de profonde détresse. Pour vingt mille francs misérables !

La porte de la rue, qui s’ouvrit et se referma de nouveau, lui arracha un gémissement.

Il n’y a de damnés qu’en enfer. Ici-bas, nous avons tous et toujours une heure pour garrotter le mal et ressaisir le bien.

Marguerite était une pécheresse bien abandonnée. Sa dette s’était longuement et lourdement accumulée. Depuis des années, elle qui était encore toute jeune, elle avait fermé le livre de sa conscience. Peu importe, l’heure du repentir pouvait sonner pour elle. Il ne faut pour cela, tant est haute et large la souveraine miséricorde, qu’un élan d’amour vrai, un sincère battement du cœur.

Était-ce l’heure qui sonnait pour Marguerite ? son cœur battait.

Elle disait :

— Il est bon, il est noble, je l’aime !

Mais une pensée vint qui pesa sur son espoir comme un poids glacé.

Marguerite se répondit à elle-même :

— J’ai insulté sa mère ! Il ne pourrait jamais me pardonner !

Que leur faut-il à ces tristes âmes en équilibre entre la perte et le salut ?

Une main tendue pour monter vers l’un ; un prétexte pour retomber tout au fond de l’autre.

La main tendue, Marguerite venait de