Page:Féval - La Bande Cadet, 1875, Tome II.djvu/92

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s’enflaient comme les pendeloques qui sont au cou des dindons.

Il suait à ruisseaux, il ôta sa houppelande.

Ce qu’on voyait du Manchot n’était plus qu’une masse violacée où les cheveux collaient à du sang — mais le regard brûlait toujours là-dedans.

— Fais signe ! fais signe ! radotait l’Amour avec folie sans plus savoir ce qu’il disait. Tant que tu n’auras pas fait signe, j’irai !

Ils écumaient tous deux, l’un noir, par-dessus son bâillon, l’autre livide, et le regard du patient, ce terrible regard qui flambait dans le sang ne se baissait pas.

L’Amour saisit le rotin à deux mains ; il dansait frénétiquement sur ses maigres jambes, il se mit à assommer, grondant :

— La rage ! je vois ça dans ses yeux, il a la rage ! Et moi aussi, la rage ! La rage ! Nous sommes enragés tous les deux !

Le gourdin se brisa. L’Amour sauta sur le sac, qu’il piétina. Le Manchot frétillait horriblement, et rien ne peut figurer les hurlements étranglés que le bâillon renfonçait dans sa gorge. Le bâillon se détacha enfin, mais Clément ne pouvait plus crier.