Page:Féval - La Bande Cadet, 1875, Tome II.djvu/93

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Et Cadet-l’Amour tomba épuisé, la face tout contre celle de sa victime, dont les mâchoires s’ouvrirent convulsivement pour le mordre. Les deux langues vibraient gourmandes de rouge : l’Amour riait et Clément pleurait des larmes écarlates.

Ils restèrent ainsi du temps, comme deux hyènes à demi mortes qui voudraient se dévorer.

Puis l’Amour se souleva sur ses mains, fasciné par ce regard entêté qui lui faisait peur : le regard de la haine immortelle.

— Je t’en ai trop fait, grommela-t-il, un petit peu trop. On s’échauffe, quoi ! Tu me tuerais… attends voir !

Lentement il parvint à monter sur le sac et s’y tint à califourchon. Le grand couteau brilla de nouveau dans sa main qui tremblait.

Le Manchot ne bougeait plus.

Rien ne vivait en lui que ce terrible regard…

L’Amour tâta la toile et palpa le corps au travers. Il choisit avec soin la place favorable, puis le couteau, violemment appuyé, disparut, manche et tout.

Le regard de Clément persista, mais sa tête se renversa dans la boue, faite de poussière et de sang.

L’Amour essuya minutieusement la lame de son