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LES SAXONS.

liers de livres de revenus, cet intendant eût fait à Londres une excellente figure.

Il avait vécu dans la grande ville. Il y avait mangé comme il faut, le petit héritage paternel. En ce temps il fréquentait noble compagnie, et vous l’eussiez pris pour un lord. Il tenait tous les paris, jouait à Brighton et à Bath, courait à Epsom, et possédait sur le turf un nom recommandable.

Ces choses lui avaient valu l’estime de lord George, qui l’avait fait son intendant. Après avoir jeté follement son argent par les fenêtres, Robert Crackenwell, devenu sage, écorchait de pauvres gens qui mouraient de faim.

De la prodigalité à l’usure, il n’y a qu’un tout petit pas, et ces bons vivants qui ont dévoré une fortune savent mieux que personne assassiner pour quelques pence.

Crackenwell avait une tenue convenable, presque élégante ; on voyait qu’il n’avait pu perdre complètement ses habitudes de dandy, et son gilet était à la mode de l’année précédente.

Parmi les autres agents, qui étaient tous Irlandais, trois ou quatre se tenaient timidement à l’écart. On ne voyait que leurs grosses têtes chevelues et les pèlerines frangées de leurs carricks. Deux seulement se montraient hardiment ;