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LES SAXONS.

du madrier fascinait son œil ; son regard ne s’en pouvait point détacher, et sa prunelle s’allumait sous ses sourcils froncés convulsivement.

C’est que la nuit était bien près encore, cette nuit d’angoisses où Jermyn avait si cruellement souffert !

Tout revenait à son souvenir, et les images évoquées vivaient devant sa vue.

Oh ! cette nuit avait mis une cuirasse autour du cœur de l’enfant ! lui aussi était maintenant impitoyable !

C’était un cœur doux et timide que l’amour jetait violemment hors de sa voie ; et ceux-là sont les plus terribles.

Il avait aimé dans le silence, avec respect, avec idolâtrie, comme on adore Dieu.

Depuis cette heure où finit l’enfance, et où l’âme, s’essayant à sentir, balbutie ses premières impressions, Jermyn aimait ainsi, exclusivement et passionnément. Il ne se souvenait point de n’avoir pas aimé. C’était sa vie entière dans le passé, son seul espoir dans l’avenir.

Bien des fois, Jermyn avait remercié Dieu de ne lui avoir point donné pour rival un de ses frères…

Mais son rival était un Anglais, un Saxon détesté d’avance, un protestant, un ennemi.