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LES SAXONS.

Elle se leva et gagna d’un pas machinal la fenêtre ouverte ; elle s’y appuya.

Le paysage sur lequel la nuit étendait naguère son voile sombre était de nouveau devant ses yeux. Le soleil de juin versait à flots sa vive lumière et colorait chaudement ces belles montagnes du Connemara que Walter Scott eût prises pour les Higlands de son cher pays d’Écosse.

L’œil d’Ellen, morne et inanimé, glissa sur ces beautés connues ; sa vue ne percevait qu’une sensation confuse de lumière radieuse, jouant dans un espace sans bornes. Les objets se mêlaient au-devant d’elle et brouillaient leurs lignes vogues ; elle ne voyait rien.

Mais l’air frais du dehors frappait son front ardent et emplissait à flots sa poitrine. La vie et la pensée revenaient en elle à son insu ; sa raison renaissait ; sa force s’éveillait.

Elle souffrait davantage, à mesure qu’elle arrivait à entrevoir le vrai.

Au bout de quelques minutes, elle était face à face avec la réalité.

— Le feu ! murmura-t-elle avec épouvante, en regardant au loin les ruines noires de Diarmid ; c’était là-bas qu’était le feu !… Oh ! je me souviens ! les rochers, la grève, la caverne ! je me souviens ! je me souviens !