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LE CHATEAU DE MONTRATH.

Pourtant elles ne se ressemblaient point. Parmi la délicate fraîcheur de Francès, il y avait une force vierge et vive ; chez lady Montrath, la fatigue se montrait déjà, et la beauté pâlissait, déflorée. Il y avait en elle quelque chose d’indécis, de lassé ; on devinait une de ces natures débiles qui n’ont même pas besoin de la douleur pour être vaincues, et qui se courbent après un jour d’ennui.

Francès couvrait lady Montrath d’un regard affectueux et inquiet.

— Je vous trouve toujours bien jolie, Georgy, dit-elle ; mais vous n’avez plus vos fraîches couleurs qui me faisaient envie… il y a un cercle bleu autour de vos yeux…

Lady Montrath poussa un gros soupir, mais elle répondit gaiement :

— La fatigue du voyage, Fanny !… Je suis moins forte que vous, et deux jours de mer, c’est une bien longue traversée !… Mais parlez-moi de vous, chère, je vous en prie… Ne songez-vous point à vous marier ?…

Francès baissa les yeux et rougit, non point de cette rougeur banale qu’une question pareille amène invariablement au front des fillettes, mais comme si la demande de sa compagne eût fait surgir en elle une pensée pénible.