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TROISIÈME PARTIE.

Tant que la barque resta en vue sur la surface unie du lac, la jeune fille n’eut garde de ralentir son mouvement ; son beau visage, animé par la fatigue, se couvrait d’une rougeur épaisse, et son front se mouillait de sueur ; mais-elle ramait toujours, et son ardeur semblait renaître sans cesse à la vue de Mortimer qui se couchait, immobile et pâle, sur les planches du bateau.

Enfin la barque entra dans le petit archipel d’îlots verdoyants qui se groupent au centre du lac. Il y eut bientôt une île, puis deux, puis trois, entre Ellen et le rivage qu’elle venait de quitter. À supposer que les Molly-Maguires eussent atteint le rivage du Corrib et que leur regard hostile épiât la barque, ils devaient la perdre de vue bientôt au milieu de ce dédale où elle était engagée.

Les efforts d’Ellen se ralentirent. Elle était à une cinquantaine de brasses de la plus grande des îles du Corrib, qui porte, à demi cachées derrière un exubérant rideau de verdure, les ruines vénérables de l’abbaye de Ballilough.

Ces ruines sont vertes comme les beaux arbres qui les entourent. La mousse et le lierre ont fait un vêtement épais à ces gothiques arceaux. De vieux troncs de chèvrefeuilles jettent chaque année leurs tiges frêles d’une ogive à l’autre et