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LE CHATEAU DE MONTRATH.

jamais un sort à la fois plus bizarre et plus terrible ?…

Depuis quelques instants, l’accent de lady Montrath se modifiait sensiblement. On eût dit que son émotion, vraie d’abord, s’était usée peu à peu, et qu’elle avait besoin d’efforts pour soutenir jusqu’au bout son rôle de victime. Femmes de théâtre et femmes de plume ont ce commun défaut de poser presque malgré elles.

Elles arrangent tout ; elles travaillent ce qui se fait tout seul chez le reste du genre humain, et leur effort malheureux réussit d’ordinaire à mettre une glaciale défiance à la place de l’émotion qui naissait.

Francès avait été saisie tout d’abord énergiquement. Son amitié pour lady Montrath lui avait fait voir le danger pressant. Elle restait sous cette impression, et, malgré l’expérience qu’elle avait gagnée auprès de Fenella Daws, cette autre actrice d’un ordre inférieur, la réaction ne se faisait point en elle.

Elle s’efforçait de bonne foi et tâchait de sonder jusqu’au fond le mystère qui entourait son amie.

— Voici bien des aventures romanesques, dit-elle au moment où lady Montrath reprenait haleine, en levant ses yeux bleus vers le ciel.