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LE CHATEAU DE MONTRATH.

C’était un homme ruiné, un malheureux qui ne demandait qu’à se vendre et qui ne regardait pas au prix.

Lord George s’était embarqué dans cette criminelle affaire sans trop réfléchir, et avec tout le laisser-aller de sa nature apathique. Dès le premier pas, il s’était livré pieds et poings liés à ses complices.

S’il se fût avisé de craindre l’un d’eux par hasard et de se défier avant d’agir, ç’aurait été certainement sur Crackenwell que fussent tombés ses soupçons.

C’était là l’erreur ; Crackenwell était un homme habile qui devait user de son pouvoir avec mesure et l’exploiter comme un bon père de famille exploite la forêt qui le fait vivre. Mary Wood, au contraire, était un caractère entier et indomptable, en même temps qu’un esprit inculte et grossier. Sa passion favorite brochait sur le tout et devait pousser jusqu’à l’absurde la tyrannie de ses exigences.

Elle partit une nuit de Londres, emmenant la pauvre Jessy. Montrath n’eut point de nouvelles de ce voyage, pendant lequel se jouait au cimetière de Richmond une scène impie : la tombe vide de sa femme se ferma. On grava sur le marbre le nom de Jessy O’Brien, et milord attendit.