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Page:Féval - La Tache Rouge, volume 1 - 1870.djvu/19

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LA TACHE ROUGE

ville, un grand et solide gaillard, ayant la conscience de sa valeur sociale, lui dit avec bonté :

— Salut, maman Marquis ; pas mal, et vous ? Merci bien. Joli temps, un peu frisquet ; les notaires sont dans leur lit, savez-vous ?

Il eut un rire paisible et toucha son tricorne.

— Bonjour, M. Briant, bonjour, repartit la femmelette qu’on appelait ainsi : maman Marquis ; c’est la faute de votre oncle de Californie si vous attendez toujours sa succession. Moi, je n′ai plus d′oncles, mais tout est pour le mieux, pas vrai, tant qu’on a bon pied, bon œil et bonne humeur ?

Elle était déjà à l’autre bout du pont.

— C’est éveillé comme une souris pensa le sergent de ville en reprenant sa flânerie officielle ; c’est tout seul, ça n’a pas de charges et ça travaille plus qu’une forçate. Si c′était un peu moins ratatiné, moi, je ne répugnerais pas à entrer dans son ménage. Il faut faire une fin, l′âge des plaisirs d’amour ne peut pas toujours durer, même pour le militaire, et la caisse d’épargne doit savoir ce qu’elle a mis de côté depuis le temps, la petite vieille !

La petite vieille, puisque le sergent de ville la qualifiait ainsi, ne paraissait pas s’inquiéter beaucoup des idées d′ordre et d′établissement légitime que son aspect avait inspirées à l’autorité.