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Page:Féval - La Vampire.djvu/125

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LA VAMPIRE

— Et qu’il n’est pas suspect, intercala Jean-Pierre.

— Vous niez qu’il soit le même une Georges Cadoudal ?

— Pour cela, de tout mon cœur !

— Alors, qui est-il ?

— Un marchand de chevaux de Normandie.

— Ah ! ah ! de Normandie !… Je prends des notes, ne vous effrayez pas… Le fait est qu’il y a de nombreux maquignons en Normandie… Et pourquoi, s’il vous plaît, M. Sévérin, fréquentez-vous des maquignons ?

— Parce que M. Morinière est dans le même cas que moi, répondit Jean-Pierre.

— Prenez garde ! s’écria M. Berthellemot ; vous aggravez votre affaire. Dans quel cas êtes-vous ?

— Dans le cas d’un homme qui a perdu un enfant.

— Et vous venez à la préfecture ?…

— Pour que M. le préfet m’aide à le retrouver, voilà tout.

Il y a des gens qui mettent deux paires de lunettes. Au regard de M. de Sartines, dont il faisait généralement usage, M. Berthellemot joignit le regard de M. Lenoir. Feu Argus en avait encore davantage.

— Est-ce plausible ? grommela-t-il. Je prends des notes… Ah ! ah ! le préfet serait bien embarrassé !

— Et si ce n’est pas votre état, monsieur l’employé supérieur, ajouta Jean-Pierre, qui fit mine de se lever, j’irai ailleurs.

— Où donc irez-vous, mon garçon ?

— Chez le premier consul, si vous voulez bien le permettre.

M. Berthellemot bondit sur son fauteuil.

— Chez le premier consul ! répéta-t-il. Bonhomme, pensez-vous qu’on entre comme cela chez le premier consul ?

— Moi, j’y entre, répondit Jean-Pierre simplement. Il faut donc me dire, par un oui ou par un non, et sans nous fâcher, si c’est votre métier d’aider les gens en peine.

La question ainsi posée déplut manifestement au secrétaire général, qui reprît son couteau à papier et l’aiguisant sur son genou.

— L’ami, dit-il entre ses dents, vous m’avez déjà pris beaucoup de mon temps, qui appartient à l’intérêt public. Si vous prétendiez jamais que je ne vous ai pas reçu avec bonté, vous seriez un audacieux calomniateur. Je ne fais pas un métier, sachez cela : j’ai un haut emploi, le plus important de tous les emplois, presque un sacerdoce ! Je vous donnerais un démenti formel au cas où vous avanceriez que je vous ai refusé mon aide. Me blâmez-vous pour les précautions dont j’entoure la vie précieuse de notre maître ? Expliquez-vous brièvement, clairement, catégoriquement. Pas d’ambages,