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Page:Féval - La Vampire.djvu/160

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LA VAMPIRE

— Oui bien ! s’écria M. Dubois, qui mit le papier dans sa poche pour faire craquer ses doigts, mais non pas si adroitement que le secrétaire général ; oui bien ! je suis son préfet de police, à lui, jusqu’à la mort ! C’est particulier, monsieur, et même confidentiel ! Je connais des gens orgueilleux qui me traitent par-dessous la jambe, et que ce simple morceau de papier ferait trembler. Ma position se dessine, on ne peut pas toujours rester sous le boisseau, n’est-il pas vrai ? Le mérite se fait jour. Et songez qu’un œil d’aigle est fixé sur nous.

Berthellemot ouvrit timidement la bouche, mais M. Dubois la lui ferma d’un grand geste, et dit :

— Je vous prie, monsieur, de garder le silence.

Il glissa une œillade vers la comtesse pour voir l’effet produit par cette parole ferme.

La comtesse Marcian Gregoryi s’était assise et disposait avec grâces les plis d’une robe exquise. Elle était si jeune, si belle et si jolie qu’on se demandait quel âge elle pouvait avoir en 1797, quand elle rendit ce signalé service au général Bonaparte.

M. Dubois continua :

— C’est signé d’un N seulement, d’un N majuscule. J’éprouve une joie sincère, monsieur, et je ne peux la cacher. Mes opinions sont connues, elles n’ont jamais varié. Celui qui est le destin de la France et du monde a sondé, je l’espère, le fond démon cœur… et Mme la comtesse témoignera, j’en suis sûr, devant qui de droit, de mon empressement, de mon… En un mot, les aspirations de notre patrie sont manifestement monarchiques.

Berthellemot posa sa main droite sur sa poitrine pour pousser une acclamation prématurée, mais le préfet lui dit encore :

— Monsieur, je vous prie de garder le silence. Madame la comtesse, ajouta-t-il avec solennité, mon secrétaire général écoute vos commandements.

Cette délicieuse blonde n’avait pas encore parlé. Sa voix sortit comme un chant.

— Le plus pressé, dit elle, est d’arrêter ce malintentionné qui, malgré sa position très subalterne, est le plus dangereux ennemi du premier consul : je veux parler du gardien juré du caveau des montres et confrontations au Châtelet.

— Mon voisin ! murmura Berthellemot en un gémissement.

— Le nommé Jean-Pierre Sévérin, dit Gâteloup, acheva la comtesse.

Mais… s’écria Berthellemot suffoqué, mais, madame la comtesse… mais, monsieur le préfet… ce Gâteloup est l’ami de l’empereur !