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Page:Féval - La Vampire.djvu/161

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LA VAMPIRE

M. Dubois fut embarrassé, non point du fait en lui-même mais du mot.

— Personne plus que moi, prononça-t-il avec émotion, ne souhaite, ne désire, n’appelle de tous ses vœux… de toutes ses aspirations… et madame la comtesse n’en doit point douter…, mais enfin je dois protester, au nom même du chef de l’État…

— Le temps presse, l’interrompit froidement l’adorable blonde, dont les sourcils délicats étaient froncés. Chaque minute perdue aggrave la situation… et j’ai peur que M. le secrétaire général n’ait commis quelque bévue.

Ceci fut dit nettement et ne choqua point le préfet, qui murmura d’un ton de commisération :

— Ah ! certes, le pauvre garçon en est bien capable !… Si l’on savait en haut lieu comme nous sommes pitoyablement secondés !

Berthellemot, rouge de colère, perdit toute mesure pour la première fois de sa vie administrative.

— Parole jolie ! s’écria-t-il. À qui faut-il croire ? À vous, monsieur Dubois, ou au premier consul ? Moi aussi, j’ai reçu un ordre ! un ordre autographe…

— Un ordre autographe ! répéta le préfet. De lui à vous ?…

— À moi ! riposta Berthellemot, ferme sur ses ergots. C’est-à-dire… Enfin mon opinion personnelle a été que je ne devais pas désobéir à Napoléon Bonaparte.

— Et que disait l’ordre ? demanda la comtesse, qui légèrement pâli.

— L’ordre mettait la préfecture de police à la disposition de M. Jean-Pierre Sévérin, qui a été le maître d’armes du premier consul.

— L’ordre doit être faux ! s’écria la comtesse. Ce Sévérin est le plus dangereux complice de Georges Cadoudal.

Les deux fonctionnaires demeurèrent atterrés.

M. Dubois tomba plutôt qu’il ne s’assit dans son fauteuil, et Berthellemot, exécutant pour la seconde fois son travail d’écuyer du cirque Olympique, sauta tête première au travers de la porte.

Il ne fut absent que trois minutes.

Ces trois minutes, il les passa avec M. Despaux, qui lui rapporta que, sur son ordre, à lui, M. Berthellemot, on avait donné à Jean-Pierre Sévérin un officier de paix muni de son écharpe et quatre agents choisis, parmi lesquels comptaient Laurent et Charlevoy.

— Et tout ce monde-là est parti ? demanda le malheureux secrétaire général.

— Il y a beau temps ! répondit Despaux. Le Sévérin avait l’air d’avoir le diable à ses trousses.