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LA VAMPIRE

parler de lui au père adoptif d’Angèle et savait que le comte Venzel était un jeune gentilhomme allemand sur le point de contracter mariage à Paris.

Cela ramena sa pensée vers son propre mariage à lui, ce mariage désiré si passionnément, naguère attendu avec tant d’impatience et qui maintenant lui faisait peur.

Ce mariage qui était pourtant désormais l’accomplissement d’un devoir sacré.

Et il s’étonnait de concevoir en un pareil moment des idées si nettes, de suivre des raisonnements si droits.

Il s’étonnait aussi du sens particulier que son intelligence attachait à ces paroles, en apparence les plus simples du monde : « Le comte Wenzel vient de repartir pour l’Allemagne. »

Il y avait là pour lui je ne sais quelle indéfinissable menace.

Derrière l’harmonie de cette voix quelque chose raillait ! froidement, impitoyablement.

Il songea :

— Je me souviendrai de tout ceci et je demanderai conseil au père d’Angèle.

Mais le nom de la pauvre enfant le blessa comme le couteau qu’on retournerait dans la plaie.

La blonde ravissante, au sourire étincelant comme la gaieté des enfants, s’était assise auprès de l’Italien et faisait bouffer les plis de sa robe légère. Il y avait en toute sa personne d’inexplicables clartés. Sa robe brillait quand elle en secouait les plis gracieux, de même que ses cheveux scintillaient à chaque mouvement de sa tête souriante.

Elle tournait le dos à la serre où René voyait toujours ce long paquet que les deux hommes avaient déposé aux pieds du nègre.

Le nègre achevait paisiblement son cigarite.

— Mon frère n’est pas encore vengé, prononça l’Italien tout bas, et je n’ai bientôt plus de courage.

— Dans quelques jours, murmura la blonde, tout sera fini, je vous le promets.

Ses yeux, en ce moment, se tournèrent du côté du lit René se dit :

— Celle-ci est le mal. Ce n’est pas elle !

— Dort-il ? demanda-t-elle à voix basse avec une sorte d’inquiétude.

— Il n’a jamais cessé de dormir, répliqua l’Italien. Le narcotique était à dose convenable… Que voulez-vous faire de lui ?

— Notre salut et ta vengeance, répondit la jeune femme.

Les yeux de l’Italien brillèrent d’un feu sombre.