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LE BOSSU.

Sur son bureau, il y avait un flacon de cristal plein de vin d’Espagne et un verre. Il se versa une rasade et but.

— Allons, Philippe ! dit-il en s’asseyant devant ses papiers épars, — ceci est le grand coup de dé !… nous allons jeter un voile sur le passé aujourd’hui ou jamais !… Belle partie ! bel enjeu ! les millions de la banque de Law peuvent faire comme les sequins de Mille et une nuits et se changer en feuilles sèches… mais les immenses domaines de Nevers… voilà le solide !

Il mit en ordre ses notes préparées longtemps à l’avance.

Peu à peu, son front se rembrunissait comme si une pensée terrifiante se fût emparée de lui.

— Il n’y a pas à se faire illusion, dit-il en cessant de travailler pour réfléchir encore : — la vengeance du régent serait implacable… il est léger, il est oublieux, mais il se souvient de Philippe de Nevers, qu’il aimait plus qu’un frère… j’ai vu des larmes dans ses yeux quand il regardait ma femme en deuil… la veuve de Nevers ! — Mais quelle apparence !… s’interrompit-il. Il y a dix-neuf ans… Et pas une voix ne s’est élevée contre moi !…

Il passa le revers de sa main sur son front