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Page:Féval - Le Dernier vivant, volume 2 (1873).djvu/396

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390 LE DERNIER VIVANT

Sa bouche se contracta en une grimace qui voulait être un rire.

Il était maintenant tout à fait droit sur son séant,

Sa face cadavéreuse semblait pendre à une hauteur énorme au-dessus du lit.

Son râle sortait violemment avec un bruit de crécelle.

— C'est moi le Dernier Vivant, prononça-t-il en plon- geant dans le vide la morne fixité de son regard. C'est à moi, tout. — Pas un soldat ne m'échappera, — veux! — Ils mangeront mon pain, et j'aurai de l'or, — ils boiront mon vin. et j'aurai de l'or. — Ils deviendront maigres — faibles — lâches ! — mais j'aurai de l'or! — de l'or pour le frisson qui passe à travers le drap de leur tunique, — de l'or pour l'eau glacée qui noiera leurs pieds dans leurs souliers. — Moi je n’ai —- et je porte un manteau — du drap que — J'aime les soldats, —.les soldats sont à moi; — af- franchissez vos lettres : — à monsieur, monsieur Jean Rochecotte, — fournisseur, — fournisseur général, — seul fournisseur — de tous les soldats du monde ! — allez-vous-en — vous n'aurez rien. — Je ne veux pas mourir, — je resterai le dernier, — avec tout l'or de la terre, — le DERNIER VIVANT !

Il tomba de son haut,

Et son ral fit silence. Il était mort.







Lucien prit la main de Jeanne et la porta à ses lèvres.

— Je mourrais s'il me fallait renoncer à toi main- tenant, dit-il; mais je renoncerais à toi si l'héritage de cet homme devait entrer avec toi dans ma maison. �