Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/306

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Tout en parlant, il s’escrimait toujours contre sa boîte de fer-blanc qui continuait de glisser entre ses droits gantés.

L’Arménien, dont la robe rouge se cachait maintenant sous les plis de son ample manteau, avait rejoint l’homme chargé de faire sentinelle. Ils se tenaient tous deux au coin de la rue Favart, et regardaient cette scène en riant à gorge déployée.

Enfin le cocher se décida à monter sur son siège, mais il était sept heures et dix minutes…

Franz respira longuement.

— À présent, dit-il, à moi ma leçon d’armes et les chansons de Grisier !… Pensez à vos amours, Julien ; moi, je vais prendre une petite répétition.

Il s’enfonça dans un des coins de la voiture et se mit à remuer laborieusement son poignet, cherchant à se rappeler toutes les positions enseignées.

De temps à autre, il murmurait entre ses dents :

— Je marche un petit pas… je pare le contre de quarte vivement, et je riposte comme un lion !… Puis je romps : en garde, morbleu !… Ah ! coquin de Verdier !…

Au plus fort de sa verve batailleuse, il s’apercevait que le fiacre ne marchait point.

— Au galop, cocher ! au galop ! criait-il par la portière.

Le cocher faisait la sourde oreille ; il répétait, lui aussi, sa leçon.

Par derrière, l’Arménien et son compagnon marchaient bras dessus bras dessous et suivaient le fiacre à leur aise.

Mais il est bien difficile, en définitive, de barrer longtemps la route à un homme de cœur qui sent son honneur en question.

Au milieu des Champs-Élysées, Franz serra le bras de Julien, qui commençait à secouer les impressions de la nuit.

— Nous arriverons en retard, dit-il.

— Cela me paraît clair, répondit l’enseigne.

— Verdier ne sera plus là.

— J’en ai peur.

Franz mit la tête hors de la portière et regarda, durant une seconde, le pas languissant des chevaux, que dépassaient les promeneurs matineux.