Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/451

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Messieurs me donnent carte blanche, je vais vous dire tout au long le beau côté de notre situation… Personnellement, ma position est pleine d’avenir ; en dehors de la maison, j’ai fondé quelques petites entreprises qui prospèrent à souhait… Ma centralisation des loyers du Temple surtout, — œuvre à la fois philanthropique et commerciale, — donne déjà de beaux bénéfices, auxquels je suis prêt à faire participer l’association, moyennant une indemnité convenable… Je suis en outre sur le point de contracter un très-riche mariage. Ainsi, comme vous le voyez, monsieur le baron, vous n’avez pas tout à fait affaire à des mendiants, et les avances que vous pourrez nous servir ne courent assurément aucun risque…

Rodach fit de la main un geste qui voulait dire :

— Passez.

— Quant à la maison elle-même, continua M. de Reinhold, elle a l’Emprunt Argentin, qui lui assure d’énormes rentrées dans un temps peu éloigné ; la Cérès, banque générale des agriculteurs, dont les actions sont en hausse, comme vous pourrez le voir à la Bourse ; enfin, l’affaire des affaires, le grand coup qui doit changer tout notre cuivre en or, le railway de Paris à ***, compagnie des Grands Propriétaires !

— Est-ce organisé ? demanda Rodach.

— Pas encore… Ah ! ah ! cher Monsieur, cela ne s’organise pas comme vous paraissez le penser !… il y a des difficultés. Les chemins de fer sont en baisse, et, s’il faut l’avouer, le manque de fonds nous arrête ici comme partout… Mon Dieu ! il faut bien le dire, puisque nous parlons ici à cœur ouvert, sans la retraite de notre respectable ami et associé. Moïse de Geldberg, ce serait par centaines de millions que la maison compterait aujourd’hui… Et notez que je n’exagère point, cher Monsieur ; la preuve, c’est que l’opinion du monde nous donne encore cette puissante fortune…

— C’est la vérité, dit Rodach ; moi-même…

— Cher Monsieur, interrompit Reinhold, ce sera notre salut… mais la vérité est que nous sommes passablement déchus… Ne me faites pas de signes, docteur, je sais ce que je dis, et une entière franchise peut seule nous mériter la confiance de M. le baron.

Abel fit un geste de complet assentiment.

Le chevalier reprit :