Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/453

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avons voulu perfectionner le procédé, innover quelque peu dans cette voie brillante mais trop battue, frapper un coup, enfin, qui pût réellement étonner et éblouir… Nous avons résolu d’inviter Paris à notre château d’Allemagne !

— Au château de Bluthaupt ? dit le baron d’une voix sourde.

— Au château de Geldberg, si vous le permettez, interrompit Abel.

— Ce sera un moyen, poursuivit le chevalier, d’utiliser cet immeuble qui ne nous rapporte presque rien, à cause de la mauvaise volonté des anciens vassaux de Bluthaupt, et qui représente, en définitive, un immense capital… On peut dire qu’en ceci notre vieil ami Moïse de Geldberg a contribué, pour sa part, à la décadence de la maison ; car c’est ce domaine de Bluthaupt, conservé par nous, en dépit de tout bon sens, qui est l’origine de ces créances dont vous êtes porteur, ainsi que de nos dettes envers Yanos Georgyi et meinherr Van-Praët… Mais enfin, il n’importe ; dans cette circonstance, à tout le moins, le vieux schloss nous sera bon à quelque chose… Nous y donnerons une fête qui durera quinze jours.

— Il faudra pour cela une somme considérable, dit le baron.

— Une somme énorme, cher monsieur ! énorme !… Mais ce sera étourdissant !

— On n’aura jamais rien vu de pareil ! dit Abel en se frottant les mains, — des bals dans le parc…

— Des pêches de nuit comme en Écosse !…

— Des chasses aux flambeaux, comme celles du surintendant Fouquet !…

— Des tournois plus beaux que celui de lord Eglington !…

— Des promenades féeriques ! — des courses au clocher ! — des laisser-courre comme on n’en voit point dans les forêts royales !…

— Et je veux qu’au retour, s’écria Reinhold avec un élan de véritable enthousiasme, — toutes les actions de notre chemin de fer soient souscrites par des noms qui enlèveront l’adjudication !

Le baron de Rodach réfléchit pendant un instant.

— J’approuve cette idée, dit-il enfin, et je vous aiderai.

— Vous êtes notre providence ! s’écria Reinhold, car c’étaient les fonds qui nous manquaient !