— Je vous aiderai volontiers, répéta Rodach ; — mais les paroles de votre caissier ne sont point faites pour m’inspirer une confiance excessive, et, si vous videz votre caisse à mesure que je la remplirai…
— Nous prendrons rengagement formel… commença Reinhold.
— Cela ne me suffit pas, dit le baron, il me faut d’autres garanties.
— Lesquelles ? demanda Reinhold.
— Je veux que vous me remettiez vos clefs de la caisse.
Les trois associés se récrièrent à la fois.
— Messieurs, reprit Rodach d’un ton de courtoisie froide, vous venez, je l’espère, de me parler sans détours… avec ce que vous m’avez dit, et ce que je savais à l’avance, je vous connais comme si nous étions en relation depuis vingt ans… Il me plaît de m’unir à vous en ce moment et de vous soutenir de toutes mes forces… Croyez-moi, ne me refusez pas.
— Assurément, monsieur le baron… commença le chevalier de Reinhold, en prenant des façons diplomatiques.
— C’est à prendre ou à laisser, interrompit Rodach ; en définitive, si je voulais employer contre vous des moyens de rigueur et poursuivre par les voies légales le payement de mes traites, il y a vingt à parier contre un que la maison de Geldberg ne se laisserait pas mettre en faillite pour si peu…
— Sans doute, murmura Abel ; mais…
— Permettez !… Il se trouve, au contraire, que mon bon plaisir est de ne point augmenter les embarras de la maison… Bien plus, je lui offre ma bourse et tout ce que je puis posséder de pouvoir… cela me donne des droits. Messieurs, et j’en use.
Il tira sa montre de sa poche et regarda l’heure.
— J’ai encore plusieurs choses à vous dire, ajouta-t-il, et il se fait tard déjà… Veuillez vous décider, je vous prie.
Les trois associés se consultèrent du regard.
Contre toute attente, ce fut le docteur José Mira qui s’exécuta le premier.
— À bien réfléchir, dit-il en pesant ses mots comme d’habitude et en tenant ses yeux baissés, — la demande de M. le baron me semble juste.
Abel et Reinhold le regardèrent avec surprise.